Les éléments du protocole doivent être adaptés à chaque situation pratique, appliqués dans chaque centre après consensus au sein de l’équipe de soins en chirurgie réglée. La liste des éléments à mettre en oeuvre n’est ni limitative ni figée. Le protocole ci-après est issu des recommandations internationales (Mortensen K et al. Br J Surg 2014;101:1209-29.) et des publications factuelles récentes (liste disponible sur le site www.grace-asso.fr ou sur demande à contact@grace-asso.fr).
La collaboration étroite entre les différents intervenants dans les soins périopératoires (chirurgiens, anesthésistes, infirmiers, kinésithérapeutes, nutritionnistes/diététiciens, médecins traitants) est essentielle pour la réussite du protocole.
Des critères de sortie de l’hôpital prédéfinis et validés par de nombreuses études doivent être appliqués (cf Tableau plus loin)
Par ailleurs, le protocole doit intégrer une organisation facilitant la réadmission ainsi qu’un numéro de téléphone d’urgence 24h/24 en cas de nécessité.
1. Patients éligibles
Critères d’éligibilité des patients
Sont éligibles pour ce protocole les patients :
-ayant une affection gastrique, jugée résécable et nécessitant gastrectomie réglée (en dehors du contexte de l’urgence)
-âgés de 16 à 80 ans -classés ASA 1-3
-informés sur les principes de la réhabilitation améliorée par le chirurgien et l’anesthésiste + document écrit (accessible sur le site www.grace-asso.fr).
-pouvant retourner à domicile après leur sortie de l’hôpital, disposant d’un téléphone et pouvant contacter leur médecin traitant ou le service en cas de nécessité ou transférés dans une maison de convalescence à leur demande.
Critères de non-éligibilité de manière systématique
-Patients classés ASA ≥4
-Patients ayant des affections associées sévères ou mal équilibrées (diabète, immunodépression, corticothérapie au long cours), contre-indications pouvant être temporaires si elles sont corrigées. -Grossesse
-Impossibilité au patient de contacter son médecin ou le service hospitalier en cas de besoin
2. Le protocole
a. Période pré opératoire
-Informations au patient :
Le patient aura une information orale et écrite sur le déroulement de l’hospitalisation et les modalités du protocole de réhabilitation améliorée. Les patients sont informés des avantages de ce protocole mais aussi des risques de complications et du déroulement de la convalescence (annexe). Ils ont une éducation thérapeutique sur la manière de gérer leur convalescence après l’intervention et à leur retour à domicile.
-Sevrage de la consommation alcoolique et tabagique
Il est fortement conseillé selon les recommandations de Sociétés Savantes (idéalement 4 à 6 semaines avant l’intervention, en tous les cas au minimum une quinzaine de jours).Le recours à des consultations de tabacologie ou d’alcoologie sera organisé.
-Prise en charge nutritionnelle
Selon les recommandations en vigueur : Nutrition et/ou immunonutrition préopératoires (de préférence) orales en cas d’affection cancéreuse et/ou de déficit nutritionnel. Cette prise en charge nutritionnelledoit tenir compte d’une éventuelle obstruction gastrique (d’origine tumorale) et y être adaptée. Elle doit être poursuivie en postopératoire chez les patients dénutris ou si l’apport alimentaire couvre moins de 60% des besoins quotidiens. Il convient néanmoins de signaler le faible niveau de preuves sur la place de l’immunonutrition pré-et postopératoire dans le contexte de la réhabilitation améliorée.
-Prémédication :
Elle n’est pas systématique, seulement en cas d’anxiété importante, le type de prémédication devant être décidée par l’équipe.
-Jeûne préopératoire :
Un jeûne de 2 heures pour les liquides clairs (eau, thé, café, tisane ; sachant que les jus de fruit avec pulpe et le lait le lait ne sont pas considérés comme des liquides clairs)et 6h pour les solides est suffisant avant l’induction de l’anesthésie générale.
-Apport de solutions (d’hydrates de carbone) sucrées orales:
La prise d’une solution glucidique la veille et deux heures avant l’intervention est recommandée chez les patients n’ayant pas de troubles de la vidange gastrique. La dose de charge en glucides préconisée est (selon les produits) d’environ 100g la veille et 50g 2H avant l’intervention.
Aussi bien les règles du jeûne préopératoire que celles de l’apport d’hydrates de carbone doivent tenir compte et être adaptés à d’éventuels troubles de la vidange gastrique secondaires à une obstruction tumorale.
-Préparation mécanique du côlon :
Une préparation mécanique du côlon n’est pas indiquée en cas de chirurgie gastrique.
-Thromboprophylaxie :
Le patient reçoit une thromboprophylaxie avec une héparine de bas poids moléculaire selon un protocole conforme aux recommandations de bonne pratique clinique en vigueur. La thromboprophylaxie pharmacologique est débutée généralement 6 à 12h après la fin de l’intervention
-Antibioprophylaxie :
Le patient reçoit une antibioprophylaxie débutée dans l’heure précédent le début de la chirurgie et, avec des réinjections peropératoires selon un protocole conforme aux recommandations de bonne pratique clinique.
-Corticoïdes :
Le patient devrait reçoit au moment de l’induction une corticothérapie à titre systématique: 8mg de dexaméthasone.
Version 30 janvier 2015
b. Période peropératoire
-Protocole anesthésique :
Les principes généraux en sont : l’épargne morphinique, le monitorage de la profondeur de l’anesthésie et la prévention des nausées et vomissements postopératoires
Hypnotiques : Les hypnotiques intraveineux sont employés pour l’induction de l’anesthésie. Pour l’entretien on utilisera soit du propofol en objectif de concentration, soit un gaz halogéné. Un monitorage de la profondeur de l’anesthésie est souhaitable.
Myorelaxation : Une curarisation sera systématique et adaptée en fonction des données du monitorage. Une antagonisation sera effectuée en respectant les règles de bonnes pratiques.
Analgésie :
Morphiniques : Le sufentanil et le remifentanil en AIVOC sont autorisés. Anesthésiques locaux et analgésie loco-régionale :
-En cas de laparotomie : l’analgésie péridurale thoracique est recommandée. En cas de contre-indication à la péridurale, une analgésie à la lidocaïne peut être utilisée (1,5-2mg/kg/h) pendant l’intervention. Les cathéters multiperforés pariétaux sont aussi une alternative en l’absence d’analgésie péridurale.
-En cas de laparoscopie : En l’absence de données scientifiques montrant (comme pour la chirurgie colique) sa possible inutilité en cas de voie d’abord coelioscopique, l’analgésie péridurale est recommandée en chirurgie gastrique par coelioscopie du fait du risque élevé de conversion en aparotomiel ou en cas de pathologie respiratoire avec des risques majeurs de complications bronchopulmonaires. La lidocaïne est utilisée (cf plus haut). On peut aussi recourir au cathéter pariétal multiperforé au niveau de la mini-laparotomie ou dans certains cas à une rachi-analgésie. L’infiltration des orifices de trocars par de la ropivacaïne est systématique.
-Compression pneumatique :
Cette mesure doit être systématique durant toute l’intervention chez les patients obèses (IMC>35) et lors d’une intervention prévue de plus de 4h.
-Voie d’abord chirurgicale :
La voie d’abord est laissé à la discrétion du chirurgien (laparotomie bi-sous-costale ou médiane, ou une coelioscopie). En cas d’antécédents de laparotomie la méthode de création du pneumopéritoine est laissée à la discrétion du chirurgien. La position des trocarts et le site d’extraction de la pièce opératoire sont laissés à la discrétion du chirurgien.
-Prévention de l’hypothermie peropératoire :
Les patients doivent bénéficier de manière systématique d’une prévention de l’hypothermie. Elle sera faite par voie cutanée et sera débutée le plus tôt possible. Le monitorage de la température est conseillé. L’objectif de température en fin d’intervention est 36,5°C et doit être au minimum de 36°C à l’arrivée en SSPI.
-Apport de fluides IV:
Apports de cristalloïdes à 3-6 ml/kg de poids idéal. Utilisation d’une gestion optimisée des fluides (doppler transoesophagien ou autres méthodes). Après l’intervention, les perfusions IV seront donc arrêtées dès que l’apport oral le permet, généralement à J1.
-Sonde gastrique :
La pose d’une sonde d’aspiration gastrique systématique n’est pas recommandée. Si toute foiselle est utilisée pendant l’intervention, son maintien en fin d’intervention n’est pas recommandé de manière systématique.
-Drainage abdominal :
Le drainage intrapéritonéal n’est pas recommandé de manière systématique. En cas de drainage, l’ablation est à envisager dans des délais courts.
c. Période post opératoire
-Contrôle glycémique
Le contrôle glycémique per-opératoire et post-opératoire est recommandé et est basé sur les protocoles locaux. Les épisodes hyperglycémiques doivent être évités et prévenus sans risque accentué d’hypoglycémie.
-Drainage vésical :
Le drainage vésical systématique n’est pas recommandé pour la chirurgie colique sauf en cas d’analgésie péridurale ; dans ce cas, il est recommandé que le sondage ne dépasse pas 24H.
Un drainage vésical par cathéter sus-pubien est indiqué si la durée prévisible du drainage vésical dépasse 4 jours ; dans le cas contraire ou chez la femme, un sondage transuréthral est indiqué et doit être arrêté dès que possible.
-Prévention des nausées et vomissement post opératoires (NVPO) :
Un protocole écrit de prévention de NVPO selon le score d’Apfel est recommandépour un score supérieur à 2. La prévention des NVPO débute dès la période peropératoire. Cette prévention utilisera seul ou en association, en fonction du score d’Apfel : dexamethasone injecté à l’induction anesthésique (8mg), dropéridol, ondansetron et propofol en AIVOC le cas échéant.
L’emploi du droperidol et/ou ondansetron sera systématique en cas denausées postopératoires.
-Prévention de l’iléus postopératoire :
Les stratégies de prévention de l’iléus post opératoire comportent la non utilisation des opiacés et l’arrêt des perfusions dès que le patient aura un apport oral suffisant. La prescription de magnésium n’est pas utile. En l’absence de réalimentation précoce, la mastication de chewing gum (3 fois par jours) est recommandée, jusqu’à la reprise de l’alimentation orale.
-Analgésie postopératoire :
La stratégie pour l’analgésie postopératoire dépend de la technique chirurgicale et/ou des contre-indications propres à chaque patient. L’analgésie doit être multimodale.
Les objectifs quelle que soit la technique employée sont : une épargne morphinique afin de faciliter la reprise du transit et de limiter la sédation, et une analgésie efficace permettant la mobilisation du patient en procurant une analgésie efficace au mouvement (EN < 4 lors du passage de la position allongée à la position assise).
Antalgiques non morphiniques :
Ils seront débutés en fin d’intervention : Paracétamol : (sauf contre-indication) par voie intraveineuse puis orale dès que possible. L’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens pendant 48H devra faire l’objet d’un consensus entre chirurgiens et anesthésistes. Les antalgiques de palier 2 (nefopam et tramadol) pourront être administrés par voie intraveineuse ou orale.
Anesthésiques locaux et analgésie loco-régionale
En cas de laparoscopie, la lidocaïne IV peut être poursuivie pendant 48 heures à la dose de 1 à 1,5 mg/kg/h). En cas de laparotomie poursuite de l’analgésie péridurale pendant 48-72 heures et/ou lidocaïne IV peut être poursuivie pendant 48 heures à la dose de 1 à 1,5 mg/kg/h). Si un cathéter multiperforé est placé dans la paroi, il est maintenu 48-72 heures
L’efficacité de l’analgésie sera appréciée par mesure du score EVA (cible EVA ≤ 3).
-Apport en oxygène et prévention des complications respiratoires:
Si nécessaire (oxymétrie), de l’oxygène sera administrée de façon à obtenir une SpO2 supérieure à 96% à l’aide de lunettes nasales.
Version 30 janvier 2015
Chez les patients ayant des affections respiratoires ou un syndrome des apnées du sommeil ou une obésité (IMC >35) : 1 à 2 séances de ventilation non invasive seront prescrites par jour à J1, J2 ± J3 en SSPI. Durée minimale de 2 fois 15 minutes
-Apport nutritionnel :
Une réalimentation orale précoce est recommandée (que ce soit en cas de gastrectomie partielle ou totale). Les patients doivent être informés de l’importance de cette réalimentation et, le cas échéant la nécessité de l’appréhender de manière progressive. En effet la reprise alimentaire doit être progressive sur les 3 à 4 premiers jours post-opératoires. Le patient est encouragé à se réalimenter dès la quatrième heure après l’intervention, en commençant par une alimentation liquide de faible volume et en élargissant ensuite cette alimentation. En fonction de la tolérance, une alimentation normale devrait être obtenue dès le deuxième jour postopératoire.
Le recours théorique à une alimentation entérale, ainsi que les modalités (sonde nasojéjunale ; sonde de jéjunostomie) doivent avoir été discutées au cas par cas et dès la périodepré-opératoire avec le patient.
Il est à noter que la poursuite d’une alimentation entérale par sonde de jéjunostomie est recommandée dans certains protocoles de traitement adjuvant (adénocarcinome).
Le recours à la nutrition parentérale ne doit pas être systématique, mais peut être proposé en cas de complication post-opératoire, en cas d’impossibilité de prise alimentaire par voie orale/entérale pour une durée minimum de 7 jours.
-Mobilisation précoce :
Le patient est pris en charge par une équipe paramédicale l’encourageant à se mobiliser et à devenir indépendant. Un protocole, amenant les patient à quitter le lit (fauteuil voire déambulation si possible) durant 30 minutes au minimum le jour de l’intervention et 3-6H les jours suivants, est recommandé.
Critères de sortie des patients (tous doivent être présents)
douleur contrôlée par les analgésiques oraux
alimentation solide
pas de perfusion
mobilisation indépendante ou au même niveau qu’avant l’intervention
Transit rétabli au moins sous forme de gaz
aucun signe infectieux : fièvre <38°C, hyperleucocytose <10 000 GB/ml, CRP<120 mg/l
patient acceptant la sortie
réhospitalisation possible (sur le plan organisationnel) en cas de complication
Recueil de données relatif au suivi du protocole
L’application des différents items du protocole est au mieux relevée dans une base de données dédiée et sécurisée : GRACE-AUDIT (www.grace-asso.fr, espace adhérent) d’autant que l’efficacité du protocole en termes de réduction de la durée de séjour et des complications dépend de l’application optimale et l’implémentation des différents items du protocole.