PROTOCOLE GRACE
Les éléments du protocole doivent être adaptés à chaque situation pratique, appliqués dans chaque centre après consensus au sein de l’équipe de soins en chirurgie réglée. La liste des éléments à mettre en œuvre n’est ni limitative ni figée. Le protocole ci-après est issu des recommandations internationales et des publications factuelles récentes (Wrench IJ et al. Int J Obstet Anesth 2015;24:124-30, liste disponible sur le site www.grace-asso.fr .
La collaboration étroite entre les différents intervenants dans les soins péri-opératoires (chirurgiens, anesthésistes, sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes, nutritionnistes/diététiciens, médecins traitants) est essentielle pour la réussite du protocole.
Des critères de sortie de l’hôpital prédéfinis et validés par de nombreuses études doivent être appliqués (cf Tableau plus loin)
Par ailleurs, le protocole doit intégrer une organisation facilitant la réadmission ainsi qu’un numéro de téléphone d’urgence 24h/24 en cas de nécessité.
1. Patients éligibles
Critères d’éligibilité des patients
Sont éligibles pour ce protocole les parturientes devant avoir une césarienne programmée, le cas de la césarienne en urgence sera traité à la fin de ce document.
Il est applicable en cas de délivrance non- hémorragique, chez les parturientes n’habitant pas seules, disposant d’un téléphone, et pouvant contacter leur médecin traitant ou le service référent en cas de nécessité.
Critères de non-éligibilité de manière systématique
– Parturientes classées ASA ≥3
– Parturientes ayant des affections associées sévères ou mal équilibrées (cardiaques, pulmonaires, diabète, immunodépression, coagulopathie ou traitement anticoagulant à visée curative, corticothérapie au long cours). Contre-indications pouvant être temporaires si elles sont corrigées.
– Impossibilité à la parturiente de contacter son médecin ou le service hospitalier en cas de besoin
2. Le protocole
a. Période pré opératoire
– Informations aux parturientes :
La parturiente aura une information orale et écrite sur le déroulement de l’hospitalisation, la césarienne et les modalités du protocole de réhabilitation améliorée, ainsi que son intérêt dans la relation mère-enfant. Les parturientes sont informées des avantages de ce protocole mais aussi des risques de complications et du déroulement de la convalescence (fiche d’info sur le site www.grace-asso.fr). Elles ont une éducation thérapeutique sur la manière de gérer leur convalescence après la césarienne et à leur retour à domicile.
– Arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique
Il est fortement conseillé selon les recommandations de Sociétés Savantes durant toute la grossesse.Une substitution par patch nicotinique est à envisager.
– Prémédication anxiolytique:
Elle n’est pas systématique, seulement en cas d’anxiété importante (le type de prémédication devant être décidé par l’équipe). Réduction de l’acidité gastrique par 600 mg de ranitidine avant le départ au bloc opératoire pour la césarienne (selon les équipes).
– Jeûne préopératoire :
Un jeûne de 2 heures pour les liquides clairs (eau, thé, café, tisane ; sachant que les jus de fruit avec pulpe et le lait sont considérés comme des aliments solides) et 6h pour les solides est suffisant avant la césarienne.
– Thromboprophylaxie :
Des bas de contention sont recommandés pendant les 7 jours qui précèdent la césarienne. Une thomboprophylaxie pharmacologique n’est pas recommandée de manière systématique chez les parturientes à faible risque de thrombose veineuse profonde. Les parturientes à haut risque reçoivent une thromboprophylaxie avec une héparine de bas poids moléculaire selon un protocole conforme aux recommandations de bonne pratique clinique en vigueur. La thromboprophylaxie pharmacologique est débutée généralement 6 à 12h après la fin de la césarienne
– Antibioprophylaxie :
La parturiente reçoit une antibioprophylaxie au début de la césarienne (avant la section du cordon) selon un protocole conforme aux recommandations de bonne pratique clinique.
– Corticoïdes :
La parturiente devrait recevoir avant la césarienne une corticothérapie à titre systématique : 8mg de dexaméthasone.
b. Période per opératoire
– La présence du père en salle de césarienne est fortement recommandée après autorisation de l’équipe médicale. L’application du « peau à peau » entre la mère (voire le père) et le nouveau-né est fortement recommandée.
– Protocole anesthésique :
L’équipe d’anesthésie doit établir un protocole écrit d’analgésie/anesthésie. Les principes généraux en sont : une rachi- ou péri-rachi-analgésie, une épargne morphinique, la prévention des nausées et vomissements postopératoires.
La rachi-anesthésie simple ou combinée est recommandée et fait appel à la bupivacaïne + sufentanil + morphine en intra-téchal. Le recours aux méthodes alternatives d’analgésie peut être envisagée mais de manière multimodale privilégiant les agents non morphiniques par voie systémique. Possibilité d’infiltration de la paroi au décours du geste soit par le chirurgien grâce à la mise en place d’un cathéter multi perforé posé en sous péritonéal avec de la ropivacaïne soit par l’anesthésiste par la réalisation d’un TAP block bilatéral sous contrôle échographique (en l’absence de morphine intra-téchale).
En peropératoire l’analgésie est optimisée par voie IV (paracétamol, kétoprofène, nefopam).
– Voie d’abord chirurgicale :
Une voie d’abord selon la technique de Cohen est recommandée. Il est aussi recommandé d’utiliser des
écarteurs souples. La péritonisation n’est pas recommandée.
– Prévention de l’hypothermie peropératoire :
Les parturientes doivent bénéficier de manière systématique d’une prévention de l’hypothermie. Elle sera faite par voie cutanée et sera débutée le plus tôt possible. Le monitorage de la température est conseillé.
L’objectif de température en fin d’intervention est 36,5°C et doit être au minimum de 36°C à l’arrivée en
SSPI.
– Apport de fluides IV:
Apports de cristalloïdes à 3 ml/kg de poids idéal pendant la césarienne. Généralement le volume de cristalloïde ne dépasse pas les 500 ml. Après la césarienne, les perfusions IV seront donc arrêtées dès que l’apport oral le permet, soit à la sortie de la salle de réveil soit le soir de l’intervention.
– Prévention du risque hémorragique
Il est recommandé d’utiliser, à l’extraction du nouveau-né l’oxytocine ou la carbétocine dont la durée d’action est plus prolongée.
– Drainage vésical :
Le drainage vésical systématique du fait de la rachianesthésie, sera retiré précocement : soit de manière préférentielle à la fin de la césarienne soit le lendemain si l’état de la parturiente le nécessite. Le simple sondage évacuateur est une alternative. La surveillance de la miction est recommandée de manière systématique. Un bladderscan est recommandé en absence de miction à la sixième heure.
– Drainage abdominal :
Le drainage systématique de la cavité abdominale ou de la paroi n’est pas recommandé.
c. Période post opératoire
– Prévention des nausées et vomissements postopératoires (NVPO) :
Les anti-émétiques devraient être prescrits de manière sélective dans le but de réduire les NVPO et permettre la réalimentation précoce.
La prévention des NVPO débute dès la période peropératoire. Cette prévention utilisera seul ou en association, en fonction du score d’Apfel : dexamethasone injecté à l’induction anesthésique (8mg), dropéridol, ondansetron et propofol en AIVOC le cas échéant.
L’emploi du droperidol et/ou d’un setron sera systématique en cas de NVPO postopératoire.
– Prévention de l’iléus postopératoire :
Les stratégies de prévention de l’iléus postopératoire comportent l’épargne morphinique et l’arrêt des perfusions dès que la parturiente a un apport oral suffisant. La prescription de magnésium n’est pas utile. La mastication de chewing-gum est recommandée si la réalimentation orale précoce n’est pas tolérée.
– Analgésie postopératoire :
Analgésie non-morphinique
La stratégie pour l’analgésie postopératoire dépend des contre-indications propres à chaque parturiente.
L’analgésie doit être multimodale et doit avoir comme objectif une douleur EVA ≤ 3.
Seront débutés en fin d’intervention : Paracétamol : (sauf contre-indication) par voie intraveineuse si la voie est maintenue puis orale dès que possible. L’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens pendant 48H devra faire l’objet d’un consensus entre chirurgiens et anesthésistes. Les antalgiques de palier 2 (nefopam) pourront être administrés.
Analgésie loco-régionale
En cas d’infiltration pariétale par cathéter multiperforé, celle-ci sera poursuivie pendant 48H et arrêtée le matin du deuxième jour postopératoire.
L’efficacité de l’analgésie sera appréciée par mesure du score EVA (cible EVA ≤ 3).
– Apport nutritionnel :
La parturiente est encouragée à se réalimenter dès la quatrième heure après la césarienne, en commençant par une alimentation liquide de faible volume et en élargissant ensuite cette alimentation. Une alimentation normale devrait être obtenue dès le premier jour postopératoire.
– Mobilisation précoce :
La parturiente est prise en charge par une équipe paramédicale l’encourageant à se mobiliser dès le jour même. Un protocole, amenant les parturientes à quitter le lit (fauteuil voire déambulation si possible) durant 30 MINUTES le jour de la césarienne et 6H les jours suivants, est recommandé.
– Allaitement maternel :
A débuter rapidement après la césarienne si la patiente le souhaite
-Thromboprophylaxie postopératoire
Elle est prescrite selon les recommandations des Sociétés savantes et du risque de thrombose veineuse profonde qui est considéré comme modéré dans ce cas de figure. Fondée sur des héparines de bas poids moléculaire, elle sera poursuivie 14 jours après la césarienne et adapté au contexte clinique
La Césarienne en cours de travail
La période pré-opératoire n’est pas concernée
Les périodes per et post opératoires
Les recommandations concernant les périodes per et postopératoires sont similaires à la césarienne programmée, sauf pour présence du père qui n’est pas toujours envisageable selon le degré d’urgence
Critères de sortie des patients (tous doivent être présents)
✓ douleur contrôlée par les analgésiques oraux (EVA ≤3)
✓ alimentation solide
✓ pas de perfusion
✓ mobilisation indépendante ou au même niveau qu’avant la césarienne
✓ Transit rétabli au moins sous forme de gaz
✓ aucun signe infectieux : fièvre <38°C, hyperleucocytose <10-12 000 GB/ml, CRP<120 mg/l
✓ parturiente acceptant la sortie
✓ ré hospitalisation possible (sur le plan organisationnel) en cas de complication
Recueil de données relatif au suivi du protocole
L’application des différents items du protocole est au mieux relevée dans une base de données dédiée et sécurisée : GRACE-AUDIT (www.grace-asso.fr, espace adhérent) d’autant que l’efficacité du protocole en termes de réduction de la durée de séjour et des complications dépend de l’application optimale et l’implémentation des différents items du protocole.
Le Protocole de réhabilitation améliorée après césarienne est à télécharger içi.