Les éléments du protocole doivent être adaptés à chaque situation pratique, appliqués dans chaque centre après consensus au sein de l’équipe de soins en chirurgie réglée. La liste des éléments à mettre en oeuvre n’est ni limitative ni figée. Le protocole ci-après est issu des recommandations internationales (Johnes EL, et al. Ann R Coll Surg Engl 2014;96:89-94, Ibrahim MS Bone Joint J 2013;95-B:1587-94, Kehlet et al. Knee 2013;20 Suppl1:S29-33.) et des publications factuelles récentes (liste disponible sur le site www.grace-asso.fr ou sur demande à contact@grace-asso.fr). La collaboration étroite entre les différents intervenants dans les soins périopératoires (chirurgiens, anesthésistes, infirmiers, kinésithérapeutes, nutritionnistes/diététiciens, médecins traitants) est essentielle pour la réussite du protocole.
Des critères de sortie de l’hôpital prédéfinis et validés par de nombreuses études doivent être appliqués (cf Tableau plus loin)
Par ailleurs, le protocole doit intégrer une organisation facilitant la réadmission ainsi qu’un numéro de téléphone d’urgence 24h/24 en cas de nécessité.
1. Patients éligibles
Critères d’éligibilité des patients
Sont éligibles pour ce protocole les patients :
-dont l’état général permet d’envisager un lever et une mobilisation précoces
-dont les conditions de vie (état du domicile, entourage) sont compatibles avec une sortie dans les jours suivants l’intervention.
-âgés de plus de 16 ans -classés ASA 1 à 3
-informés
sur les principes de la réhabilitation améliorée par le chirurgien et l’anesthésiste
+ document écrit (accessible sur le site www.grace-asso.fr).
-pouvant : soit retourner à domicile à leur sortie de l’établissement de santé et y disposant d’un
téléphone pour pouvoir contacter leur médecin traitant ou le service de soins en cas de
nécessité, soit être transférés dans une maison de convalescence si nécessaire.
Critères de non-éligibilité
de manière systématique
-Patients
classés ASA ≥4
-Patients
ayant des affections associées sévères ou mal équilibrées (accidents
vasculaires cérébraux, diabète, immunodépression, corticothérapie au long cours)
-Grossesse
-Impossibilité
au patient de contacter son médecin ou le service hospitalier en cas de besoin
2. Le protocole
A. PERIODE PRE OPERATOIRE
-Informations
au patient :
Le patient aura une information orale et écrite sur le déroulement de l’hospitalisation et les modalités du
protocole de réhabilitation améliorée. Les patients sont informés des avantages de ce protocole mais aussi
des risques de complications et du déroulement des suites. Ils reçoivent une éducation thérapeutique
(intérêt d’une consultation infirmière en complément de celles du chirurgien et du médecin anesthésiste)
sur la manière de gérer les suites après l’intervention et leur convalescence à leur retour à domicile.
-Arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique
Il est fortement conseillé selon les recommandations de Sociétés Savantes (idéalement 4 à 6
semaines avant l’intervention, en tous les cas au minimum une quinzaine de jours).
-Rééducation préopératoire:
Elle est recommandée pour certains patients, afin de leur apprendre à se servir des cannes et à
monter et descendre les escaliers en sécurité, pendant la période post opératoire.
-Prémédication :
Elle n’est pas systématique, seulement en cas d’anxiété importante, le type de prémédication devant être
décidé par l’équipe.
-Jeûne préopératoire :
Un jeûne de 2 heures pour les liquides clairs (eau, thé, café, tisane ; sachant que les jus de fruit avec pulpe
et le lait sont considérés comme des aliments solides)et 6h pour les solides est suffisant avant l’induction
de l’anesthésie générale.
-Apport de solutions (d’hydrates de carbone) sucrées orales:
La prise d’une solution glucidique la veille et deux heures avant l’intervention est recommandée chez les
patients n’ayant pas de troubles de la vidange gastrique. La dose de charge en glucides préconiséeest
(selon les produits) d’environ 100g la veille et 50g 2H avant l’intervention.
-Douche préopératoire :
Deux douches antiseptiques sont recommandées, la veille et le matin avant l’intervention.
-Antibioprophylaxie
Le patient devrait reçoit une antibioprophylaxie selon un protocole conforme aux recommandations de
bonne pratique clinique en vigueur.
-Thromboprophylaxie :
Le patient reçoit une thromboprophylaxie selon un protocole conforme aux recommandations de bonne
pratique clinique en vigueur. La thromboprophylaxiepeut être débutée à J0 6H après l’intervention.
Une contention veineuse des deux membres est recommandée.
B. PERIODE PER OPERATOIRE
-Protocole anesthésique :
Il est recommandé d’éviter si possible l’utilisation d’opiacés à durée d’action longue. Des hypnotiques
intraveineux type propofol (en mode AIVOC) ou d’halogénés (sevoflurane ou surtout desflurane) sont
utilisés. Dans le cas du choix d’utilisations de morphiniques en peropératoire, il convient de préconiser le
rémifentanil ou le fentanyl en tenant comptede leurs propriétés pharmacocinétiques respectives.
Un exemple de protocole anesthésique :
Prévention hypothermie: Température de salle à 21°C, couverture chauffante: (40°C
pendant l’installation du patient, arrêt pendant le champage, 38°C en per-opératoire
Prévention NVPO post opératoires:Un protocole écrit de prévention de NVPO selon le
score d’Apfel est recommandé. La prévention des NVPO débute dès le début de la période
peropératoire. Cette prévention utilisera seul ou en association, en fonction du score
d’Apfel(Dexaméthasone à l’induction (0.2 à 0.4 mg/Kg), Dropéridol 1,25 mg si score d’Apfel 2,
Ondansetron et propofol le cas échéant
Epargne sanguine: L’administration d’acide tranexamique 1g IV sur 20 minutes est
recommandée.Analgésie(sauf contre-indication)
à l’induction:Paracétamol 1g, Kétoprofène 100 mg,
Néfopam 20 mg, Morphine IVD : 0,1 mg/kg
Décurarisation:Prostigmine-atropine si TOF adducteur du pouce 2
-Voie d’abord chirurgicale :
La voie d’abord est laissée à l’appréciation du chirurgien. La technique chirurgicale utilisée est une
technique la moins invasive possible afin de favoriser la récupération rapide du patient.La qualité de
l’hémostase conditionne en grande partie l’importance de la douleur postopératoire qui est
étroitement liée à l’importance de l’hématome postopératoire. L’utilisation du garrot est laissée à
l’appréciation de l’opérateur.
-Instillation d’analgésiques locaux :
Avant la fermeture, sera mise en oeuvre une technique d’injection d’un mélange antalgique.
Il s’agit de l’infiltration du site opératoire avec de la ropivacaïne à 2%, mélangée le plus souvent avec
du kétoprofène et de l’adrénaline 1%. Il convient de faire attention à ne pas avoir d’extension de
l’infiltration vers le nerf fémoral pour la hanche (voie antérieure) ou le nerf sciatique pour la voie
postérieure de la hanche et pour le genou. On termine l’intervention par l’infiltration du tissu sous
cutané par de la ropivacaïne seule pour éviter tout risque de nécrose.
En cas de chirurgie d genou, un cathéter peut être laissé dans le site opératoire pour des ré-injections
d’analgésiques, possibles pendant 48 heures.
-Drainage :
Le drainage du site opératoire n’est pas recommandé et si vraiment nécessaire doit rester le moins
longtemps possible.
-Pansement étanche : Un pansement étanche (type hydro-colloïde)
permet la prise de douche dès le lendemain de l’intervention
C. PERIODE POST OPERATOIRE
-Glace sur le site opératoire:
La pose d’une poche de glace permet de réduire l’inflammation et la douleur locales. Une attelle réfrigérée
et compressive est l’idéal pour la chirurgie du genou.
-Prévention des nausées et vomissements post opératoires (NVPO) :
L’emploi du droperidol et/ou ondansetron sera systématique en cas de nausées postopératoires.
-Pas de sondage urinaire sauf indication formelle et dans ce cas sevrage dès que possible en SSPI ou
dès le retour en chambre.
-Analgésie postopératoire :
L’analgésie postopératoire s’intègre dans une prise en charge multimodale avec utilisation d’une analgésie
balancée. La prise orale d’antalgiques sera effectuée dès que possible, avec ablation du cathéter.
Le relai per-os immédiat permet de déperfuser le patient dès la sortie de SSPI (cathéter bouché).
Emploi systématique de paracétamol à la posologie de 1g toutes les 6 heures, associé à un anti
inflammatoire non stéroïdien (kétoprofène 50mg /6h) pendant 48h. En cas de contre-indication
aux AINS,emploi d’un antalgique de palier 2 associé au paracétamol (tramadol,codéine) ou de nefopam (20mg/4h).
Dans les très rares cas d’analgésie insuffisante, possibilité d’utilisation de sulfate de morphine (10
mg/4h) L’efficacité de l’analgésie sera appréciée par mesure du score EVA (cible EVA ≤ 3).
-Apport d’oxygène :
Le but est d’avoir une spO2 supérieure à 96% à l’aide de lunettes nasales.
-Apport nutritionnel :
Une réalimentation orale précoce est recommandée et possible dès le retour en chambre, dans un délai de
4 à 6 heures l’intervention (J0). Les patients doivent être informés de l’importance de cette réalimentation.
-Prévention anti-thrombotique / fibrinolyse :
Chaussettes de contention (classe 2) ou bandes de contention moyenne sur les 2 membres inférieurs
dès la sortie du bloc.
La thromboprophylaxie peut être commencée 6 heures après l’intervention selon le protocole
conforme aux recommandations de bonne pratique clinique en vigueur.
Il est conseillé de prendre un antifibrinolytique (acide tranexamique) par voie orale toutes les 6H pendant
24H en l’absence de contre-indication.
-Mobilisation précoce :
Le patient est pris en charge par l’équipe paramédicale l’aidant et l’encourageant à se mobiliser et à devenir
autonome le plus vite possible. Un protocole, amenant les patients à quitter le lit pour le fauteuil dès son
retour en chambre, avec déambulation sur quelques mètres si possible, est établi.
Dès le lendemain de l’intervention le patient, avec l’aide d’un kinésithérapeute, devrait pouvoir marcher
avec l’aide de deux cannes, et monter et descendre quelques marches d’escaliers.
Critères de sortie des patients (tous doivent être présents)
douleur contrôlée par les analgésiques oraux
alimentation solide
plus de perfusion
mobilisation autonome ou au même niveau qu’avant l’intervention
Transit rétabli au moins sous forme degaz
aucun signe infectieux : pansement propre, fièvre <38°C, hyperleucocytose <12 000 GB/ml,
patient acceptant la sortie
présence d’un accompagnant à domicile
réhospitalisation possible (sur le plan organisationnel) en cas de complication
Recueil de données relatif au suivi du protocole
L’application des différents items du protocole est au mieux relevée dans une base de données
dédiée et sécurisée : GRACE-AUDIT (www.grace-asso.fr, espace adhérent) d’autant que
l’efficacité du protocole en termes de réduction de la durée de séjour et des complications dépend
de l’application optimale et l’implémentation des différents items du protocole.