Home / Protocole de réhabilitation améliorée après hystérectomie

Protocole de réhabilitation améliorée après hystérectomie

Les éléments du protocole doivent être adaptés à chaque situation pratique, appliqués dans chaque centre après consensus au sein de l’équipe de soins en chirurgie réglée. La liste des éléments à mettre en oeuvre n’est ni limitative ni figée. Le protocole ci-après est inspiré des recommandations internationales (Nelson G et al. Gynecol Oncol 2016;140:313-22 et 23-32.) ainsi que des publications factuelles récentes (liste disponible sur le site www.grace-asso.fr ou sur demande à contact sur le site de GRACE).
La collaboration étroite entre les différents intervenants dans les soins périopératoires (chirurgiens, anesthésistes, infirmiers, kinésithérapeutes, nutritionnistes/diététiciens, médecins traitants) est essentielle pour la réussite du protocole.
Des critères de sortie de l’hôpital prédéfinis et validés par de nombreuses études doivent être appliqués (cf Tableau plus loin).
Par ailleurs, le protocole doit intégrer une organisation facilitant la réadmission ainsi qu’un numéro de téléphone d’urgence 24h/24 en cas de nécessité.
1. Patients éligibles
Critères d’éligibilité des patients
Sont éligibles pour ce protocole les patientes :
– ayant une affection utéro-ovarienne, jugée résécable et nécessitant hystérectomie réglée (en dehors du contexte de l’urgence) associée ou non à un curage pelvien ou lombo-aortique.
– âgées de plus de 16
– classées ASA 1-3
– informées sur les principes de la réhabilitation améliorée par le chirurgien et l’anesthésiste +
document écrit (accessible sur le site www.grace-asso.fr).
– pouvant retourner à domicile après leur sortie de l’hôpital, disposant d’un téléphone et pouvant contacter leur médecin traitant ou le service en cas de nécessité ou transférés dans une maison de convalescence à leur demande.
Critères de non-éligibilité de manière systématique
– Patientes classées ASA ≥4
– Patientes ayant des affections associées sévères ou mal équilibrées (diabète, immunodépression, corticothérapie au long cours), contre-indications pouvant être temporaires si elles sont corrigées.
– Impossibilité à la patiente de contacter son médecin ou le service hospitalier en cas de besoin
2. Le protocole
a. Période pré opératoire
– Informations à la patiente :
La patiente aura une information orale et écrite sur le déroulement de l’hospitalisation et les modalités du protocole de réhabilitation améliorée. Les patientes sont informées des avantages de ce protocole mais aussi des risques de complications et du déroulement de la convalescence (annexe). Elles reçoivent une information précise sur la manière de gérer leur convalescence après l’intervention et à leur retour à domicile.
– Sevrage de la consommation alcoolique et tabagique
Il est fortement conseillé selon les recommandations de Sociétés Savantes (idéalement 4 à 6 semaines avant l’intervention, en tous les cas au minimum une quinzaine de jours). Le recours à des consultations de tabacologie ou d’alcoologie sera organisé.
– Prise en charge nutritionnelle
Selon les recommandations en vigueur : Nutrition et/ou immunonutrition préopératoires (de préférence) orales en cas d’affection cancéreuse et/ou de déficit nutritionnel. Cette prise en charge nutritionnelle doit
être adaptée à une éventuelle obstruction digestive (par exemple en cas de carcinose sur néoplasie ovarienne). Elle doit être poursuivie en postopératoire chez les patientes dénutries ou si l’apport alimentaire couvre moins de 60% des besoins quotidiens. Il convient néanmoins de signaler le faible niveau de preuves sur la place de l’immunonutrition pré- et postopératoire dans le contexte de la réhabilitation améliorée.
– Depistage et traitement de l’anémie :
Une éventuelle anémie doit être dépistée et traité en préopératoire.
– Prémédication :
Elle ne doit pas être systématique, seulement en cas d’anxiété importante, le type de prémédication devant alors être décidée par l’équipe.
– Jeûne préopératoire :
Un jeûne, de 2 heures pour les liquides clairs (eau, thé, café, tisane ; sachant que les jus de fruit avec pulpe et le lait ne sont pas considérés comme des liquides clairs) et 6h pour les solides, est suffisant avant l’induction de l’anesthésie générale.
– Apport de solutions (d’hydrates de carbone) sucrées orales:
La prise d’une solution glucidique la veille et deux heures avant l’intervention est recommandée chez les patients n’ayant pas de troubles de la vidange gastrique. La dose de charge en glucides préconisée est
(selon les produits) d’environ 100g la veille et 50g 2H avant l’intervention. Cette prise de solution glucidique est contre-indiquée en cas reflux gastro-oesophagien, grossesse, troubles de la vidange gastrique, ou diabète de type 1.
– Préparation mécanique du côlon :
Une préparation mécanique antégrade du côlon n’est pas indiquée. Un lavement rectal la veille de l’intervention est recommandé en cas de risque de résection rectale associée (néoplasie ovarienne).
– Thromboprophylaxie :
La patiente reçoit une thromboprophylaxie avec une héparine de bas poids moléculaire selon un protocole conforme aux recommandations de bonne pratique clinique en vigueur. La thromboprophylaxie pharmacologique est débutée généralement 6 à 12h après la fin de l’intervention
– Antibioprophylaxie :
La patiente reçoit une antibioprophylaxie débutée dans l’heure précédent le début de la chirurgie et, avec des réinjections peropératoires selon un protocole conforme aux recommandations de bonne pratique clinique.
– Corticoïdes :
La patiente devrait recevoir au moment de l’induction une corticothérapie à titre systématique : 8mg de dexaméthasone.
b. Période per opératoire
– Ventilation assistée
Un protocole de ventilation artificielle protectrice est recommandé : volumes courants ≤8ml/kg de poids idéal, une PEEP de 6-8 cmH2O, et des manoeuvres de recrutement.
– Protocole anesthésique :
Les principes généraux en sont : l’épargne morphinique, le monitorage de la profondeur de l’anesthésie et la prévention des nausées et vomissements postopératoires.
Hypnotiques : Les hypnotiques intraveineux sont employés pour l’induction de l’anesthésie. Pour l’entretien on utilisera soit du propofol en objectif de concentration, soit un gaz halogéné. Un monitorage de la profondeur de l’anesthésie est souhaitable.
Myorelaxation : Une curarisation sera systématique et adaptée en fonction des données du monitorage. Une antagonisation sera effectuée en respectant les règles de bonnes pratiques.
Analgésie :
Morphiniques : Le sufentanil et le remifentanil en AIVOC sont recommandés.
Anesthésiques locaux et analgésie loco-régionale :
– En cas de laparotomie ou de voie vaginale : l’analgésie péridurale thoracique est recommandée. En cas de contre-indication à la péridurale, une analgésie à la lidocaïne peut être utilisée (1,5-2mg/kg/h) pendant l’intervention. Les cathéters multiperforés pariétaux sont aussi une alternative en l’absence d’analgésie péridurale. Dans certains cas une rachi-analgésie est une alternative à l’analgésie péridurale.
– En cas de laparoscopie : Par analogie à la chirurgie colique, on peut considérer que l’analgésie péridurale n’est pas utile en cas de voie d’abord laparoscopique. On peut alors recourir, à la lidocaïne IV ou à une rachi-analgésie. L’infiltration des orifices de trocarts par de la ropivacaïne est systématique et peut être associée à une instillation intrapéritonéale de ropivacaïne. Dans ces cas, il convient d’interrompre la lidocaïne IV à la fin de l’intervention chirurgicale pour éviter tout surdosage en anesthésiques locaux.
– Compression pneumatique :
Cette mesure est recommandée chez les patients obèses (IMC>35) et lors d’une intervention prévue de
plus de 4h.
– Voie d’abord chirurgicale :
Une voie mini-invasive est recommandée (laparoscopie, voie vaginale) mais une laparotomie de nécessité ou en l’absence d’expertise pour les voies mini-invasives ne contre-indique pas l’application du programme de réhabilitation améliorée. En cas d’antécédents de laparotomie la méthode de création du pneumopéritoine est laissée à la discrétion du chirurgien. La position des trocarts et le site d’extraction de la pièce opératoire sont aussi laissés à la discrétion du chirurgien.
– Prévention de l’hypothermie peropératoire :
Les patientes doivent bénéficier de manière systématique d’une prévention de l’hypothermie. Elle sera faite par voie cutanée et sera débutée le plus tôt possible. Le monitorage de la température est conseillé.
L’objectif de température en fin d’intervention est 36,5°C et doit être au minimum de 36°C à l’arrivée en
SSPI.
– Gestion du remplissage peropératoire :
Il est essentiel de rédiger un protocole au niveau de chaque équipe.
La quantité d’hydratation de base doit être définie et ne doit pas dépasser 5 ml/kg/h de poids idéal.
L’utilisation d’une gestion optimisée du remplissage est une option réservée à des situations particulières (doppler transoesophagien ou autres méthodes).
– Sonde gastrique :
La pose d’une sonde d’aspiration gastrique systématique n’est pas recommandée. Si toutefois elle est utilisée en peropératoire, il est recommandé qu’elle soit enlevée à la fin de l’intervention.
– Drainage abdominal :
Un drainage abdominal systématique n’est pas recommandé, quelle que soit la voie d’abord et même en cas de gestes associés tels qu’un curage lymphatique étendu ou une résection digestive. Si un drain abdominal est laissé en place, il devrait être retiré (sauf évènement intercurrent) au bout de 48H.
c. Période post opératoire
– Contrôle glycémique
Le contrôle glycémique per-opératoire et post-opératoire est recommandé et est fondé sur les protocoles locaux. Les épisodes hyperglycémiques doivent être évités et prévenus sans risque accentué d’hypoglycémie.
– Drainage vésical :
Le drainage vésical par sonde ne doit pas être systématique, le cas échéant, il devrait se limiter (même en cas d’analgésie péridurale) aux 24 premières heures.
– Prévention des nausées et vomissement post opératoires (NVPO) :
Un protocole écrit de prévention de NVPO selon le score d’Apfel est recommandé pour un score supérieur à 2. La prévention des NVPO débute dès la période peropératoire. Cette prévention utilisera seul ou en association, en fonction du score d’Apfel : dexamethasone injecté à l’induction anesthésique (8mg), dropéridol, ondansetron et propofol en AIVOC le cas échéant.
L’emploi du dropéridol et/ou ondansetron sera systématique en cas de nausées postopératoires.
– Prévention de l’iléus postopératoire :
Les stratégies de prévention de l’iléus post opératoire comportent une épargne morphinique et l’arrêt des perfusions dès que la patiente aura un apport oral suffisant dans les 24 premières heures, si possible. La prescription de magnésium n’est pas utile. La mastication de chewing gum (3 fois par jours) n’est indiquée qu’en l’absence de reprise précoce de l’alimentation orale.
– Analgésie postopératoire :
La stratégie pour l’analgésie postopératoire dépend de la technique chirurgicale et/ou des contre-indications propres à chaque patiente. L’analgésie doit être multimodale.
Les objectifs quelle que soit la technique employée sont : une épargne morphinique afin de faciliter la reprise du transit et de limiter la sédation, et une analgésie efficace permettant la mobilisation du patient en procurant une analgésie efficace au mouvement (EN < 4 lors du passage de la position allongée à la position assise).
Antalgiques non morphiniques :
Ils seront débutés en fin d’intervention : Paracétamol : (sauf contre-indication) par voie intraveineuse puis orale dès que possible. L’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens pendant 48H devra faire l’objet d’un consensus entre chirurgiens et anesthésistes, en tenant compte des contre-indication de ces molécules. Les antalgiques de palier 2 (nefopam et tramadol) pourront être administrés par voie intraveineuse ou orale.
Anesthésiques locaux et analgésie loco-régionale
En cas de laparoscopie, la lidocaïne IV peut être poursuivie pendant 48 heures à la dose de 1 à 1,5
mg/kg/h).
En cas de laparotomie ou de voie vaginale, une rachi-anesthésie ou une analgésie péridurale peuvent être utilisées. En cas de prescription de lidocaïne celle-ci sera poursuivie pendant 48 heures (1 à 1,5 mg/kg/h). Si un cathéter multiperforé est placé dans la paroi, il est maintenu 48-72 heures. La technique du TAP block peut aussi être envisagée. L’essentiel est que l’équipe anesthésique décide d’un protocole d’analgésie tenant compte de l’expertise locale.
L’efficacité de l’analgésie sera appréciée par mesure du score EVA (cible EVA <4).
– Apport en oxygène et prévention des complications respiratoires:
Si nécessaire (oxymétrie), de l’oxygène sera administrée de façon à obtenir une SpO2 supérieure à 96% à l’aide de lunettes nasales.
Chez les patients ayant des affections respiratoires ou un syndrome des apnées du sommeil ou une obésité (IMC >35) : 1 à 2 séances d’inspirométrie incitative seront prescrites par jour à J1, J2 ± J3 en SSPI. Durée minimale de 2 fois 15 minutes
– Apport nutritionnel :
Une réalimentation orale précoce est recommandée dès les premières 24 heures postopératoires. Les patientes doivent être informés de l’importance de cette réalimentation et, le cas échéant la nécessité de l’appréhender de manière progressive.
Le recours théorique à une alimentation entérale en cas de chirurgie carcinologique majeure, ainsi que les modalités doivent avoir été discutées au cas par cas et dès la période pré-opératoire avec la patiente.
Le recours à la nutrition parentérale ne doit pas être systématique, mais peut être proposé en cas de complication post-opératoire, en cas d’impossibilité de prise alimentaire par voie orale/entérale pour une durée minimum de 7 jours.
– Mobilisation précoce :
La patiente est prise en charge par une équipe paramédicale l’encourageant à se mobiliser et à devenir indépendant. Un protocole, amenant les patient à quitter le lit (fauteuil voire déambulation si possible) durant 30 minutes au minimum le jour de l’intervention et 3-6H les jours suivants, est recommandé.
Critères de sortie des patientes (tous doivent être présents)
douleur contrôlée par les analgésiques oraux
alimentation solide
pas de perfusion
mobilisation indépendante ou au même niveau qu’avant l’intervention
Transit rétabli au moins sous forme de gaz
aucun signe infectieux : fièvre <38°C, hyperleucocytose <10 000 GB/ml, CRP<120 mg/l
patiente acceptant la sortie
réhospitalisation possible (sur le plan organisationnel) en cas de complication
Recueil de données relatif au suivi du protocole
L’application des différents items du protocole est au mieux relevée dans une base de données dédiée et sécurisée : GRACE-AUDIT (www.grace-asso.fr, espace adhérent) d’autant que l’efficacité du protocole en termes de réduction de la durée de séjour et des complications dépend de l’application optimale et l’implémentation des différents items du protocole.